Des campements de réfugiés à Stalingrad
Au sortir de la station Jaurès c’est plutôt du prosélytisme catholique qui accueille le passant, un homme debout sur un petit tabouret parle (à qui ? mais personne ne s’arrête… ) Des comparses arrêtent le monde avec des livres sous le bras… rien à voir avec ce qui va suivre…
Je cherchais les réfugiés dont parlaient les médias, 2000 dit-on, ou davantage…
Quelques tentes et des jeunes gens, des chemises et tee-shirt à cheval sur un fil, sur un terre-plein entre avenue et place des sports..
Puis un coin de mur malodorant, des « pissotières » posées là,
très occupées, ensuite un mur aux senteurs malsaines, on arrive au coin occupé depuis des années : Stalingrad.
Un hommage, espace dédié, à un ami qui vient de disparaître : sa photo accrochée à des fils qui forment une sorte de place vacante au début du campement… « Dead in Calais »…il est mort hier, l’ami, et une quête est faite pour ses obsèques…
le ton est donné, sinistre. Des hommes assis sur des bancs, immobiles, nous remarquent à peine.
Une fille qui semble une « humanitaire » parle à plusieurs groupes, je suppose qu’elle connaît l’arabe.
On n’ose pas entrer dans ce lieu, tentes de part et d’autres et puis plus loin contre les murs, une deuxième colonne…
Et comme on voit un homme qui fait des entretiens, qu’il y a 4 blancs au moins, on décide d’y aller…
Nous cheminons dans le début de ce campement de plusieurs centaines de tentes, un village qui ne parvient pas à contenir ses habitants, des pieds dépassent, chaussures et chaussettes. Peu de téléphones portables. Tentes où personne ne bouge, on suppose que les hommes se reposent, il n’en finissent pas de tenter de se reposer malgré la circulation du boulevard c’est peu de chose en regard de ce qu’ils ont vécu.
Le sol n’est pas trop sale, peu de bruit, d’agitation, un calme étonnant. Là où il y a un attroupement, de la nourriture vient d’être servie, et puis tout s’efface…
Et tout de suite, on se retrouve à aider, on dit qu’on veut faire quelque chose, Jean souhaite plutôt acheter à manger. Rester concret.
Les humanitaires ne sont pas là, ce sont tous des initiatives personnelles, bénévoles qui se retrouvent sans organisation, ils font sur place une ou deux actions instantanées.
On retrouve la fille qu’on a vue au début, c’est une habitante du quartier qui veut savoir s’ils viennent de Calais ou pas…elle s’exprime en anglais ou en français.
On rencontre des figures : « Nasser » et son ami, tous deux religieux, habitants de Conflans Ste Honorine (78) Une femme qui habite la Seine-st-Denis est venue apporter les chaussures de ses 4 enfants…on se penche dans sa voiture. Finalement il s’agit pour nous trois d’aller chercher où sont les femmes… là-bas (Nasser montre les vêtements qui sèchent entre 3 arbres…près du mur)
Et la jeune soudanaise habillée de noir, pantalons en laine collants nous accompagne…Elle est dans un centre de rétention avec sa famille et vient là pour soutenir une autre famille, elle va traduire en anglais ce qui se dit.
Nous découvrons donc dans une petite trop petite tente deux femmes assises, dont une est enceinte de 8 mois. L’une joviale et souriante, l’autre au visage fermé. Les maris les enfants sont tout proches. Il y a une petite fille d’un an en poussette, qui jette les crayons, les nounours, les poupées…
Tout autour, j’ai observé les hommes, beaucoup de soudanais, le regard perdu, comme une souffrance indélébile en eux; Ils transportent la douleur de l’Afrique, celle que j’ai pu voir à Dire Dawa où les hommes attendaient la mort sans pouvoir bouger de là. Des yeux si fatigués, qu’ils disaient l’absence. Une immobilité chronique. Ne semblent pas vraiment être arrivés…Ils regardent dans le vide comme s’ils étaient presque morts. Ou bien le trajet fut si difficile que les privations, les souffrances, les attentes, les peurs, les terreurs les ont transformés en corps perdu hors de leur âme. La retrouveront-ils ?
J’ébauche un sourire vers l’un d’eux, plu animé, qui me regarde, il me rend ce sourire.
Après avoir discuté des premières nécessités à fournir, on se rend au supermarché remplir deux paniers ; couches, lingettes, et nourritures diverses uniquement pour les deux femmes et leur famille mais Nasser vient demander quelque chose pour un nouvel arrivant qui n’a rien mangé de la journée, on extirpe quatre tranches de pain et une tranche de dinde spécialement pour lui. Les femmes passent tout en revue et le rangent au fond de la tente, de quoi avez-vous besoin ? D’une tente supplémentaire car on est deux femmes dans la même, toute petite…
Verrons-nous naître ce bébé dans une maternité ?
D’ici là les flics vont-ils venir « démanteler »….
Ce qu’on entend des personnes qui s’occupent de tous ces camps, c’est qu’ils viennent de Vintimille mais peu de Calais.
Un soudanais sort de sa poche quelques papiers, il a rendez-vous à la préfecture dans une semaine. Pourquoi n’a-t-il pas de papiers d’identité ? Il a oublié de les prendre en partant de chez lui… Oublié ? Pour un si long périple ? Il confirme…
Tu étais pressé demande la fille du quartier ? Non dit-il je n’y ai pas pensé.
Déjà partant du Darfour, pour raison de guerre, il n’avait plus d’identité, il ne s’en donnait plus…
Des héros surgissent parmi les habitants : Catherine qui fait monter les réfugiés chez elle et les fait photographier par une amie, et aux normes, afin qu’ils aient déjà cela pour s’inscrire, ça ira plus vite… ça lui a coûté 1000 euros…Une autre a apporté 400 tentes, de la récup. astucieuse. Une autre arrive avec sous le bras des bons pour aller à vélo dans Paris…
Critique du président d’Emmaus qui ne vient pas sur le terrain et qui pérore sur ses 400 places d’hébergement à Paris (encore en construction) mais pas de conscience du reste…
Nasser a précisé qu’ils préparent des repas à plusieurs (faits de dons) surtout du riz comme base.
On est partis avant la nuit, pas d’assos visibles en tout cas au début de l’avenue…