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Témoignage d'un camarade égoutier sur le piquet de l'incinérateur d'Ivry

Depuis le début de la prise de la Tiru lundi 30 mai à 8 heures, les égoutiers se mobilisent. La mobilisation est massive. Le syndicat CGT des égoutiers réunira d’ailleurs sa prochaine commission exécutive sur place. Nous serons vingt à répondre présents.

 

Nous sommes 230 égoutiers sur Paris. La plupart des collègues travaillent encore le matin, mais essaient de venir l’après-midi et la nuit sur le site.

 

Syndiqués et non syndiqués, chacun à sa façon, nous essayons de mobiliser un maximum de monde sur le site.

 

L’objectif, c’est le retrait de la loi Travail. Cette loi casse le code du travail.

 

Chez nous, nous avons des agents en roulement qui font des heures supplémentaires, et qui pâtiraient de cette loi. D’un point de vue plus général, dès qu’on touche au code du travail, les patrons en tireront profit au dépend des agents. Nous resterons donc mobilisés tant que la loi reste en place.

 

Dans notre secteur d’activité, de plus en plus de marchés sont relayés au privé, comme à l’Urbaine des travaux, qui emploi des sous traitants qui eux-mêmes emploient des intérimaires sans qualification.

 

Les règles de sécurité ne sont pas toujours respectées. Dans notre secteur, il faut plusieurs années d’expérience. Pour descendre en égout, on est obligé d’avoir un système de détection de gaz. Nous avons aussi besoin d’un masque filtrant, car nous sommes exposés à l’amiante. Mais la plupart des agents de l’intérim en missions pour de courtes durées ne sont pas formés alors que ceux-ci sont tout aussi exposés aux risques que les égoutiers. Nous avons des gars qui viennent pour faire du ciment en baskets.

 

En minimisant les risques, les accidents arrivent vite dans le réseau. Si un collègue ne sait pas lire ou n’a pas de détecteur, c’est la vie d’autrui qui est mis en danger. Il y a quelques années, nous avons eu par exemple trois collègues de décédés à Poissy à cause d’une concentration d’H2S (Sulfure d’hydrogène) qui n’avait pas été détecté. C’était des gars du privé.

 

Aussi, avec ce turn-over, c’est toute la qualité des services rendus aux concitoyens qui est mis à mal.

 

Le syndicat des égouts, c’est les agents de la ville de Paris. Pour l’instant, nous avons encore peu de correspondance avec les collègues du privé. Nous avons demandé des CHSCT communs, mais la Mairie ne nous l’a pas accordé.

 

Nous avons le même métier, mais avec des problématiques différentes. Le privé est très présent en banlieue. Ils n’ont pas le même statut que nous. Ils travaillent avec les industries. Certaines problématiques que nous connaissions à Paris se sont ainsi déplacées en banlieue.

Nous ne sommes pas encore coordonnés avec eux au sein d’un même syndicat. Mais il y a déjà un lien. Par exemple, lors de la mobilisation en 2010 contre la réforme des retraites et la reconnaissance de la pénibilité et de l’insalubrité.

 

Aujourd’hui, nous nous battons pour le retrait de la loi Travail. Mais dans notre secteur, nous avons pas mal de choses à revendiquer.

 

Il serait nécessaire par exemple de lancer de nouvelles études épidémiologiques dans les égouts afin de déterminer les facteurs des multiples maladies que nous attrapons au cours de notre carrière.

 

Les égoutiers vivent 17 ans de moins qu’un ouvrier en moyenne. Le dernier compte-rendu présenté par l’ANSES est sans équivoque. Travailler dans nos conditions, c’est toujours très dangereux. Mais aucun élément en particulier n’a pu être déterminé comme facteur principal de la mortalité des agents. C’est un ensemble de facteurs qui est déterminant. Par exemple, dans le réseau des égouts, la pollution liée aux véhicules est plus importante qu’en surface.

 

Il faut que la ville de Paris informe les médias pour sensibiliser les particuliers.

Par exemple, aujourd’hui personne ne sait qu’en déversant de l’eau de javel ou d’autres détergents dans les toilettes, les agents qui travaillent dans le réseau en subissent les conséquences. Les conséquences ? Intoxication, irritation de la peau, affaiblissement du système immunitaire, donc explosion des facteurs de risque.

 

Ce que l’on pourrait proposer aux usagers, c’est d’utiliser des produits naturels pour nettoyer chez eux, ca revient moins cher et ca pollue beaucoup moins. En sachant que ces produits, après être passés dans le réseau des égouts, atterrissent en station d’épuration, où pendant leur traitement, d’autres agents sont à nouveau exposés.

 

Depuis la loi Fillon, bien qu’on meurt 17 ans plus tôt que les autres, le gouvernement nous a imposé de travailler deux ans de plus, comme l’ensemble de la population, sans prendre en compte notre pénibilité. Aujourd’hui, si nous voulons prétendre à un départ anticipé, à 52 ans, il faut travailler au moins 20 ans dans le réseau à 800 heures par an. Nous sommes à 32 heures par semaine actuellement.

Notre revendication, retourner au départ anticipé à 50 ans et au maximum de notre grille.

 

Car il suffit d’une heure dans le réseau pour attraper une pathologie, une hépatite par exemple. À 54 ans, les agents sont déjà très diminués, peu arrivent à l’âge de 60 ans. Nombreux sont ceux qui déclarent un cancer du foi.

 

Pour réduire les risques, il faudrait par exemple rendre obligatoire la vaccination aux agents. Comme le vaccin n’est plus obligatoire, les employeurs ne font plus vacciner les agents dans le privé. Contre la leptospirose, il existe aussi un vaccin qui n’est plus rendu obligatoire mais qui est fortement conseillé.

 

Mais malgré toutes les protections du monde, on n’arrête pas une bactérie ou un virus.

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