Bilan à l’intention de Laury-Anne de Gazette Debout (29/07/2016)

Sur la demande de Laury-Anne, pour Gazette Debout, nous proposons un premier bilan de nos activités  

La commission Programme et perspectives s’est structurée sous le nom de Plateforme2016.

Elle s’est constituée la première semaine du mouvement d’occupation de la place de la République. Pendant le premier mois de Nuit Debout, nous avons organisé tous les soirs des assemblées pour échanger autour de nos propositions de départ : l’augmentation des salaires de la majorité par le plafonnement des revenus, la baisse du temps de travail à 25 heures hebdomadaires par l’embauche des chômeurs, la Liberté et la démocratie économique par la gestion collective des entreprises et la Fédération des travailleurs-consommateurs associés.

L’ambiance de ces assemblées qui rassemblaient entre 50 et 150 personnes de 21.00 à minuit ou 1.00 du matin reste pour nous inoubliable. Beaucoup de participants y venaient exprimer leurs souffrances au travail, la souffrance de leurs proches, celle de leurs parents et une colère qui s’accumulait parfois depuis plusieurs générations. Celles et ceux qui hésitaient à prendre la parole dans les impressionnantes Assemblées populaires prenaient facilement la parole au sein des assemblées de notre commission.

La prise de parole y était facile et les échanges directs.

Chaque rendez-vous nous permettait d’échanger autour des objectifs affichés de la Plateforme2016.

Plateforme2016 part des besoins exprimés par celles et ceux qui sont en souffrance, la Plateforme part des besoins réels des populations. Ces besoins qui sont méprisés par les dominants, riches et autres bourgeois, nous voulons les traduire en objectifs politiques, en objectifs de mobilisation immédiats. Ce qui a été dit, c’est que les besoins de la majorité s’opposent clairement aux intérêts de la minorité capitaliste, de l’oligarchie et des intérêts directs de l’ensemble de la bourgeoisie, que nous devions par conséquent mener une lutte de classe avec celles et ceux qui ne peuvent se contenter du méchant sort qui leur est fait.

Aussi, il a été dit que les besoins de telle ou telle fraction opprimée ne s’opposent pas avec les besoins de telle ou telle autre fraction du peuple exploité. Bien au contraire !

Par exemple, la solution au problème du chômage par l’embauche des chômeurs, permet à la fois de satisfaire les besoins en travail des chômeurs et le besoin en temps libre de celles et ceux qui travaillent trop, grâce à une baisse radicale du temps de travail.

Une question revenait souvent. Comment baisser le temps de travail et assurer un maintien ou une augmentation du niveau des salaires ? La réponse que nous avons apportée est simple : il faut réduire les écarts de salaire et imposer le plafonnement des revenus. Selon toutes les statistiques disponibles, nous pourrions facilement doubler le revenu de la moitié des Français les plus pauvres par une politique plus égalitaire.

Les échanges sur la question de l’augmentation des salaires et la question des inégalités de revenus nous a amenés à polémiquer régulièrement autour des propositions de « salaire à vie » et du « revenu universel », sur la question de l’abolition de la propriété privée des moyens de production et sur le sens que nous devions donner à ce mot d’ordre, sur les différences entre la propriété bourgeoise que nous aurions intérêt à supprimer et le droit de propriété personnel ou propriété d’usage qui interdit l’exploitation d’autrui. Une fois abordés les principaux objectifs de changement de la société, le débat s’élargissait inévitablement à la nécessité d’une Révolution et du recours à la violence pour accoucher d’une véritable transformation de la société.

Les initiateurs de la commission se donnaient pour tâche principale d’aider le mouvement Nuit Debout à fixer des objectifs de mobilisation claire pour les salariés et syndicalistes engagées dans la lutte contre la loi Travail, des objectifs qui devaient aussi définir le cadre d’un nouveau projet de société. Le point de départ de Nuit Debout n’était-il pas la lutte contre la loi Travail et son Monde ?!

Dans la lutte contre la loi Travail et son monde, la question de changer le gouvernement se pose évidemment. Mais comment créer les capacités politiques pour faire sauter le gouvernement actuel ? Si le monde du gouvernement se caractérise par des antagonismes de classe et des rapports d’exploitation, vers quel monde partons-nous à la conquête ? Nous revenons donc au programme, nous revenons aux perspectives du mouvement.

En cohérence avec ce qui avait été posé dès le premier soir d’occupation de la place : « nous n’avons rien à revendiquer », « nous voulons nous réapproprier les outils de travail ».

Dans le cadre de Plateforme2016, nous avons cherché à populariser les objectifs de lutte qui permettrait, par l’action directe et collective, de satisfaire par nous-mêmes nos besoins, en ignorant l’autorité patronale ou l’autorité des élus de notre démocratie représentative. Nous avons dit : il est nécessaire de créer des contre-pouvoirs, de les multiplier au sein des entreprises et sur une échelle territoriale. Il faut jeter les bases des institutions nouvelles qui se substitueront aux anciennes. En même temps, ces contre-pouvoirs trouvent une utilité immédiate, car ils représentent le cadre de solidarité et d’entraide qui permet de gagner sur un certain nombre d’objectifs intermédiaires. Ces contre-pouvoirs peuvent représenter tout d’abord un noyau syndical ou associatif. Ils peuvent devenir plus tard une véritable toile de comités d’entreprise et d’Assemblées représentants des secteurs entiers.

Nous n’avons rien à attendre du gouvernement Valls, ni d’un quelconque gouvernement de gauche ou de droite. Nous ne faisons pas non plus nôtre ce slogan « soyons ingouvernables ». Nous opposons à la dictature bourgeoise et à l’impuissance à changer le monde, la perspective du « gouvernons-nous nous-mêmes »

Le deuxième mois d’occupation de la place, nos assemblées se sont tenues plusieurs fois par semaine et non plus quotidiennement. À contrario, les interventions des camarades de la commission ont été plus nombreuses en assemblée populaire. Nous y avons présenté nos principales propositions qui ont été sélectionnées et discutées mais non encore retenues lors de l’Assemblée de votation du samedi de la Pentecôte.

Nous nous sommes retrouvés en opposition avec des militants qui avaient malheureusement peu d’idée de la grande responsabilité qui nous revenaient, en tant que participants actifs de Nuit Debout, à encourager l’adoption d’objectifs de mobilisation clairs au sein des Assemblées, pour parler au peuple, parler aux salariés et motiver leur engagement dans le mouvement contre la loi Travail. Les quelques personnes qui ont pris position publiquement contre nos propositions avaient considéré que nous bénéficions encore de beaucoup de temps pour discuter dans tous leurs détails les propositions faites, que ces propositions devaient être validées par d’autres commissions, et qu’à ce titre, leur vote n’était à ce jour pas « légitime ».

Nos propositions sur l’embauche des chômeurs et la baisse du temps de travail à 25 heures, l’augmentation des salaires et des retraites par le plafonnement des revenus, et la gestion collective des entreprises en vue de satisfaire les besoins sociaux des populations, selon les impératifs écologiques, ont été finalement adoptées au vote en assemblée. Mais la dynamique était en cette période beaucoup plus faible, et la résonnance d’un tel vote n’avait plus rien de comparable comparée l’adoption qu’aurait eu de telles mesures un mois auparavant.

Mais vote ou pas vote, outre les débats quotidiens autour d’un projet de mobilisation et de libération sociale, nous avions présenté les propositions de Plateforme régulièrement en Assemblée populaire. Là était le principal. En présentant les principales modifications, et les discussions et polémiques autour de ces modifications, nous avons pu mesurer la popularité d’un certain nombre de mesures. Par exemple, l’abolition de la propriété privée des moyens de production et d’échange a été une des mesures les plus applaudies par les assemblées populaires, alors qu’elles comptaient 1500 ou 2000 participants.

Des nouvelles idées ont pu être avancées et débattues, des idées qui ont fait leur chemin et qui continuent à faire leur chemin dans les consciences. Il est là le grand succès de notre activité.

Plateforme2016 a été distribué à plus de 15 000 exemplaires. Si nos propositions donnaient « l’impression de sortir d’une ronéo des années 70 » à Joseph Macé-Scaron dans le Marianne du 22 au 28 avril 2016, pour la revue l’Opinion et son éditorialiste Nicolas Beytout, nos propositions révélaient carrément « l’existence d’un danger absolu » (L’opinion, vendredi 29 et samedi 30 avril 2016). En fait, les propositions de Plateforme2016 ont été très largement diffusées sur le NET au point que pendant plusieurs semaines, nous avons été contactés quasiment tous les jours par des personnes de toute la France et même souvent de l’étranger.

Début juin, une rencontre a été organisée à Paris, avec un militant luxembourgiste des États-Unis qui nous avait contactés par mail, et qui était très interpelé par la radicalité de nos objectifs. Il a pu nous faire part de son expérience au sein du mouvement Occupy Wall Street. En Afrique du Sud, un groupe de militants s’est inspiré aussi directement des propositions de Platerforme2016 pour rédiger un nouveau manifeste. Nos échanges sont publiés sur le blog de Plateforme2016.

Il y a une alternative possible au capitalisme ! Elle est souhaitable pour l’immense majorité, elle-même très nécessaire. À Plateforme2016, nous avons voulu briser les barrières mentales qui nous empêche de nous projeter dans l’autre monde, le monde sans capitalistes, sans exploiteurs, sans classes et qui ne tient qu’à nous de vouloir construire !

Nous avons tenu la place pendant près de trois mois, mais nous n’avons pas circonscrit nos interventions à République. Nous sommes aussi intervenus à l’extérieur.

Plusieurs séries de tracts en vue des divers manifestations et rassemblements contre la loi Travail ont été diffusés par les groupes constitués autour de Plateforme2016, devant des entreprises, auprès des voyageurs des RER et des métros où nous avons organisé de nombreuses prises de parole.

En parallèle du stand que nous avons tenu régulièrement sur la place de la République, les personnes intéressées par le développement des idées définies dans Plateforme2016 ont été invitées à des réunions d’organisation chaque semaine depuis le 16 avril. C’est dans ce cadre que nous avons décidé de publier à 2000 exemplaires un premier recto verso pour exposer notre stratégie pour la lutte, puis une série d’autocollants à 15 000 exemplaires.

C’est aussi dans ce cadre dorénavant que nous cherchons à structurer un mouvement qui aide les luttes syndicales et associatives, qui aide à fédérer ces luttes sur les objectifs de la plateforme.

Nous avons à cœur de continuer la dynamique engagée autour de l’occupation de la place de la République. Nous continuons à nous réunir. Un premier week-end de formation et d’échange a été organisé autour de la question des classes sociales et de l’abolition de la propriété bourgeoise. Nous prévoyons d’ores et déjà une rencontre d’une semaine en province au mois d’août pour creuser la réflexion engagée autour de notre stratégie et de notre programme.

Nous sommes un certain nombre à partager la conviction que Nuit debout peut représenter un point de départ pour la construction d’un mouvement politique. Mélenchon voulait être récupéré par Nuit Debout. Nous avons entendu à plusieurs reprises des représentants de Varoufakis, l’ancien ministre grec du gouvernement Syriza.

Pour nous le mouvement qui doit être continué, c’est celui d’un mouvement de libération des rapports d’exploitation et d’oppression capitalistes, un Mouvement qui accorde sa stratégie et ses méthodes avec ses objectifs généraux. Toutes les avancées sont bonnes à prendre dans le cadre capitaliste actuel. Mais notre horizon ne se borne certainement pas à un quelconque compromis pourri avec la bourgeoisie. Nous voulons tout ! Toutes les richesses de ce monde, tout le pouvoir politique ! Nous ne voulons rien partager avec les fossoyeurs de l’humanité, les fauteurs de guerre, les destructeurs de la nature, les exploiteurs du salariat !

Nous pensons qu’il faut continuer à faire de la place de la République à Paris un centre de ralliement, un centre d’information, d’échange et de rencontre. Mais il faut aussi déplacer les points de rencontre et de convergence à la base, à l’échelle de l’unité de travail et d’habitation. C’est là que les camarades seront les plus utiles, sur le terrain. Celles et ceux qui ne sont pas venu à la place de la République, qui ne sont pas venus dans les manifestations, qui sont restés en arrière, nous devons aller les trouver, les organiser, construire avec eux les liens de solidarité qui nous permettront d’aller de l’avant, sans craindre le patronat et le gouvernement et en passant outre leurs chantages abjects.

Nous nous préparons pour la rentrée de septembre. Nous contribuerons à relancer la dynamique pour que la journée du 15 septembre soit une réussite.

Dans cette perspective, nous lançons dès maintenant un appel à participer nombreuses et nombreux à l’Assemblée interpro du 8 septembre, à la Bourse du Travail afin d’organiser la campagne de mobilisation. Plusieurs camarades de Plateforme2016 ont été élus délégués au comité de coordination pour organiser cette Assemblée. Nous serons donc de tous les rendez-vous, de toutes les initiatives en vue d’organiser et de fédérer sur les objectifs concrets et mobilisateurs de Plateforme2016.

 

 

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