Un soutien chaleureux d’Afrique du Sud ! (19/06/2016)

Message de solidarité au mouvement de grève, à Nuit Debout, aux travailleurs et à la jeunesse en lutte

 

De l'Afrique du Sud, nous, section de travailleurs, jeunes et soldats, nous vous envoyons nos chaleureuses salutations révolutionnaires.

Votre soulèvement est une inspiration pour nous et la classe ouvrière mondiale tout entière. Votre programme pose des questions centrales auxquelles nous sommes tous confrontés.

Concrètement, vous indiquez le chemin pour résorber le problème du chômage, vous poser la question de prendre les richesses et le pouvoir aux capitalistes.

En Afrique du Sud aussi, les capitalistes ont promis que la flexibilité conduirait à plus d'emplois. C’était un mensonge.

En 2008, plus d’un million de travailleurs ont perdu leur emploi. Beaucoup d'autres travailleurs ont été licenciés et réembauchés à des salaires beaucoup plus bas et sans pension ou protections médicales. Les travailleurs ont été licenciés dans des domaines disparates donc il n'y avait pas de combat unitaire, les dirigeants syndicaux n’ont rien fait. Ils ont laissé la classe ouvrière s’éclater. Aujourd'hui, l'Afrique du Sud a le taux d’occupation le plus faible d’Afrique, en dépit de son haut niveau développement supposé. Seulement 40% des personnes en âge de travailler travaillent effectivement. Comment les patrons peuvent dire que travailler plus longtemps va créer plus d'emplois? C’est absurde.

Nous soutenons votre programme et nous discuterons avec d'autres groupes localement pour l'adapter à l’Afrique du Sud, à l’Afrique australe, dans le reste de l'Afrique et même au-delà.

L'ensemble de l'Afrique est clairement divisé entre une sphère d’influence impérialiste américaine et française. Beaucoup de conflits sont liés à la concurrence que se livrent les puissances impérialistes. L'impérialisme américain a ainsi repoussé progressivement l'influence de l'impérialisme français.

Cependant, comme dans la République centrafricaine en 2013, les impérialistes français et américains ont travaillé ensemble contre les masses.

Plus de 50% de la Bourse de Johannesburg est contrôlée par une société anglo-américaine, qui n’est rien moins qu’une filiale de JP Morgan Chase Bank.

L’impérialisme britannique a encore une influence, mais a été largement supplanté par l'impérialisme américain.

La plupart des mines d'or en Afrique du Sud sont contrôlées par la Bank of New York. Ces impérialistes contrôlaient l’Afrique du Sud pendant les jours de l'apartheid (capitalisme d'esclaves) et aujourd'hui encore. Le gouvernement de l'ANC n’en est que le nouveau manager.

Ainsi, pour nous, la revendication centrale autour de laquelle toutes nos revendications peuvent être satisfaites est l'expropriation de tous les actifs impérialistes, à commencer par les mines, les banques et les grandes exploitations commerciales que nous voulons placer sous le contrôle des travailleurs.

Nous nous souvenons que la révolution au Portugal en 1975 (même si elle a été plus tard vaincue) a conduit au renversement, bien que partiel, de la domination coloniale directe et dans une certaine mesure, a repoussé les rapports capitalistes, en Angola et au Mozambique.

Ainsi, une victoire de la classe ouvrière en France permettra de libérer toutes les colonies et les néo-colonies de l'impérialisme français et inspirer les masses dans le reste du monde colonial. Nous comptons sur votre victoire, car notre destin est commun.

Comment faire avancer la lutte?

Aucune lutte n’est statique; elle a besoin d'avancer, sinon le risque est que les combattants de la classe ouvrière se retrouvent isolés des masses.

Aucune forme d’organisation ne peut être considérée comme un absolu. La forme de l’organisation doit être étendue et adaptée aux circonstances changeantes. Il est également important de tirer les leçons des autres luttes.

Il semble que le développement de la lutte se dirige en France vers une grève générale. Ainsi, la question est de savoir comment renforcer la voix de la classe ouvrière dans les assemblées et comment les coordonner en tant que centres de lutte. Ainsi, si cela n’a pas déjà été fait, il est nécessaire d'organiser des comités d'usine sur tous les lieux de travail- des assemblées générales rassemblant tous les travailleurs, indépendamment de leur affiliation syndicale, et sur chaque lieu de travail, l'élection d'un comité d'usine.

Ces comités d'usine devraient envoyer des délégués aux assemblées existantes et là où n’existent pas encore d’organisation afin que des comités soient justement mis en place. Il ne faut pas hésiter à intégrer des personnes extérieures au sein des assemblées. Seulement, les personnes qui ne sont pas déléguées de leur secteur de travail, n’auraient que voix consultative. La possibilité de voter est accordée uniquement aux délégués.

Les chômeurs des assemblées générales constituées sur une base territoriale devraient également pouvoir voter dans les assemblées. Ces assemblées devraient se structurer en coordination nationale afin de centraliser les actions et préparer ainsi les prochaines étapes de la lutte.

Cette structure devrait être composée de délégués révocables et responsables devant les assemblées de base. Cette structure doit être indépendante des directions syndicales, bien que nous pourrions peut-être leur accorder une voix consultative si elles sont présentes.

Les assemblées devraient décider l’application de leur programme sans considération pour les patrons et le gouvernement.

[Vous devriez faire une recherche critique approfondie de l’expérience de la Commune de Paris de 1871 et du soulèvement de 1968 en France]

 

Tirons quelques leçons de l’expérience grecque

  1. Les assemblées étaient amorphes et dominées par la classe moyenne
  2. Le parti communiste divisait les actions de la classe ouvrière, en organisant souvent des actions séparées et parfois protégeant le parlement des masses en révolte
  3. Les syndicats ont tenu une grève d'une journée, en espérant que les masses se fatiguent. Finalement ils ont accepté le programme du FMI et de la BCE.
  4. Lorsque les grèves les plus dures ont eu lieu, il y avait un manque de coordination avec les travailleurs des transports. Ainsi, des centaines de milliers de personnes qui auraient dû se rendre à Athènes pour des moments cruciaux n’ont pu se déplacer. Les transports en commun étaient à l'arrêt;
  5. Grève « à la maison» ou grève avec occupation ? Pendant les grèves, les directions syndicales ont orienté les travailleurs vers des marches hors des usines et les lieux de travail. Cela ôte tout pouvoir aux travailleurs et les met à la merci des patrons. En dehors de la construction de barricades et si elles sont brisées, une autre alternative est l'occupation de l'usine / lieu de travail. Par là, la question est posée de savoir qui est le véritable propriétaire - le travailleur ou le capitaliste ? Bien sûr, un mouvement d’occupation d’usines nécessite une structure appropriée, car il suscite la répression étatique. Aussi faudrait-il s’arrêter sur la répression d'État contre les manifestants et sur la façon dont les dirigeants syndicaux traitent la question de la «violence». Il est pour nous nécessaire de constituer des comités d'autodéfense responsables devant les assemblées.
  6. Les principaux groupes de gauche en Grèce ont formé le parti Syriza et sont entrés au Parlement- ils ont constitué un gouvernement et ont continué les attaques contre les masses. Il est donc nécessaire que les assemblées maintiennent leur caractère extra-parlementaire, et opposent au parlement, leur propre pouvoir un million de fois plus démocratique. Le Sénat et les parlementaires corrompus probusiness ont décidé de voter des lois contestées par plus de 75% des masses. Ainsi, le Parlement n’est pas autre chose que la dictature d’une poignée de capitalistes.

 

Quelques leçons du mouvement Occupy Wall street

  1. La bourse était un symbole de l'exploitation et est devenue un point mobilisateur. Les groupes du CAC 40 peuvent –ils devenir de semblables cibles ?
  2. Pour protester contre le coût exponentiel du logement, des campements de tentes ont essaimé à travers toutes les villes des États-Unis.
  3. Les anciens combattants, en particulier ceux de l'invasion de l'Irak en 2003, ont ouvertement pris parti en faveur du mouvement et ont organisé leurs propres marches, jetant leurs médailles comme un moyen de protestation. Il est important de faire un travail dans les rangs de l'armée, d'écouter leurs demandes et d'essayer de les gagner à l'insurrection;

 

Quelques leçons de la place Tahrir

  1. Même si le mouvement a réussi à renverser le vieux dictateur Moubarak, les masses étaient trop inexpérimentées pour prendre le pouvoir dans leurs propres mains;
  2. Une partie de la gauche a soutenu l'arrivée au pouvoir de l'armée alors que cette armée est contrôlée directement par l'impérialisme américain. Le régime issu de la mobilisation des masses est à bien des égards pire que celui de Moubarak.
  3. Les masses contestent la nouvelle dictature, mais vivent sous un état d'urgence permanent.

 

Quelques enseignements de la Syrie

  1. De la lutte des masses syriennes, nous devons tirer de sérieuses leçons pour nous tous
  2. Lorsque les masses menacent de prendre le pouvoir dans leurs propres mains, l'impérialisme va libérer toutes ses forces, quelles que soient les obédiences. Les impérialistes vont même mettre de côté leurs différences majeures pour s’unir contre les masses;
  3. Ils enverront désespérément des provocateurs au sein du mouvement pour essayer de le détourner et le retourner. L’État islamique et d'autres forces de terreur peuvent être jetés; des forces fascistes à la Le Pen peuvent être construites.
  4. Des forces nationalistes de différentes teintes seront soutenues pour tenter de briser notre unité.
  5. L'état d'urgence n'a rien à voir avec l’EI mais tout à voire avec l'État qui recherche de nouveaux outils pour tenter de réprimer notre résistance.

 

Quelques leçons de l'Afrique australe

  1. Nous vous avons envoyé un document sur les leçons du 16 juin qui donne un large aperçu de quelques-unes des leçons de notre lutte ici;
  2. La période après 1994 a encore été dominée par les partis politiques nationalistes; ces partis sont alliés à l'impérialisme, ne différant que par la rhétorique.
  3. Le massacre des mineurs de Marikana marque la période où la plupart des partis dominants ont été impliqués dans des massacres de masses
  4. Dans les années 1980 le syndicat et les dirigeants de libération nationale ont pris le dessus sur le mouvement révolutionnaire, au moment où les masses avaient commencé à se lasser. Dans ces conditions, les dirigeants nationalistes étaient en mesure de faire un accord avec l'impérialisme.
  5. Une étude en 2012 a montré que plus de 60% des membres du Cosatu, la principale fédération syndicale ici, voulaient rompre l'alliance avec l'ANC et le SACP et former un nouveau parti. Les travailleurs du syndicat de la métallurgie NUMSA ont été les premiers à adopter une résolution allant dans ce sens. Cependant, les dirigeants de ce syndicat freinent maintenant le développement d’un nouveau parti de classe et s’orientent vers la constitution d’un nouveau parti parlementaire afin de neutraliser les masses encore une fois.
  6. En 2012, il y avait des comités spontanés de travailleurs qui se sont développés dans les mines. Ceux-ci comprenaient des travailleurs délégués, indépendamment de l'affiliation syndicale et des délégués des communautés environnantes. Les patrons ont encouragé l’établissement d’un nouveau syndicat dans les mines et en quelques mois, ils avaient écrasé les comités de travailleurs indépendants pour mettre en place des structures syndicales. Ainsi, ce qui était une révolte contre le système de super-exploitation capitaliste a été transformé en une lutte purement syndicale.
  7. Cette révolte politique s’est poursuivie avec #feesmustfall dans toutes les universités l'année dernière et la force du mouvement était telle qu’une alliance se constitua dès le début entre ouvriers et étudiants. Au moment où les parents sont entrés dans le mouvement, le régime a rapidement cédé aux revendications de manière à neutraliser la révolte. Dans le même temps, le régime a envoyé des agents provocateurs dans le mouvement pour brûler des bâtiments et encourager les étudiants inexpérimentés à se livrer à des attaques individuelles isolées sur les bâtiments. Sous cette couverture, l’état a été en mesure de sévir contre le mouvement, plusieurs participants sont accusés de crimes graves et traduits en justice, tandis que d'autres ont été suspendus de cours et certains expulsés des universités.
  8. Il y a beaucoup de révoltes communautaires pour le logement, mais celles-ci sont isolées du mouvement syndical.
  9. Il y a un certain nombre de luttes en vue d’obtenir justice pour les membres des familles tuées par le régime d'apartheid.
  10. Il y a aussi des luttes en cours autour des mines et de nombreux autres secteurs. La révolte est à un niveau inférieur, mais peut éclater à tout moment.
  11. Pendant des années, il y a eu une révolte au Zimbabwe, jusqu’à devenir une situation révolutionnaire. Les généraux de l'armée se sont enfuis à un moment donné alors que les soldats étaient soutenus par les masses. Hélas, la gauche a détourné la révolte vers la constitution d’un parti parlementaire et une fois au pouvoir pendant une courte période, ils ont tourné le dos aux masses. Aujourd'hui, le vieux dictateur, Mugabe, est de retour dans son siège et souriant.

 

En conclusion

Nous esquissons tous ces développements parce que nous voulons que vous réussissiez. Nous espérons que vous réduirez vos erreurs et apprendrez rapidement d'elles.

Au-delà du magnifique programme que vous avez adopté, nous avons besoin d’un nouveau parti de la classe ouvrière révolutionnaire, à la fois national et international.

Notre rêve est de marcher avec vous.

Ce parti doit être antiparlementaire, dans le sens où il est opposé au système parlementaire comme un moyen pour arriver au socialisme. Cela ne signifie pas qu'il ne peut pas dans certaines circonstances utiliser le cadre parlementaire pour se représenter. Mais cette discussion est pour une autre fois.

La question centrale pour nous est que la révolte française soit renforcée par une grève générale et que la classe ouvrière prenne le pouvoir dans ses propres mains.

Nous espérons que ce qui précède aura été une contribution utile pour votre combat qui est aussi le nôtre.

 

Avec vous dans la lutte pour le socialisme.

 

SM, 

Workers International Vanguard League/Party

le 18.06.2016

 

(Traduit de l’anglais)

 

 

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