Ce que nous voulons... (28/04/2016)

CE QUE NOUS VOULONS...

Depuis le 31 mars 2016, la place de la République à Paris est devenu le lieu d’une réappropriation, celle de la parole politique. La loi El Khomri, dans son ajustement au seul principe de la destruction du Code du travail, ne cache pas sa véritable motivation, donner encore plus de latitude au patronat contre celles et ceux qui travaillent. Cela n’est évidemment pas négociable, le refus doit être total, nous n’avons rien à discuter. Ladite nécessité de réformer n’exprime rien d’autre que la volonté de servir au mieux les intérêts du capital contre les producteurs. La litanie pathétique des ministres et autres larbins de l’État sur le chômage et son cortège de pauvres n’arrive pas à masquer ni l’intention, ni la stratégie réelle qui est la sienne. Lorsqu’ils évoquent le « problème » du chômage nous devons entendre la « solution » que le capitalisme se donne pour produire une armée de réserve au service des profits exponentiels des dirigeants de ce monde. Créer les conditions de la vie asservie de la grande majorité au service et sous les ordres de la minorité dominante est le théorème du chômage. Le dénigrement des « pauvres sans emploi » par « les travailleurs pauvres » en est la formule. Le poison de la peste concurrentielle entre exploités, la fausse conscience des rivalités, la compétitivité et la division comme outil de l’aliénation sont le résultat de cette équation. 

Il aura donc fallu une loi aussi délétère qu’inique pour que s’instaure, une stratégie de réappropriation de la politique. Et c’est bien ce à quoi nous assistons, ce à quoi nous participons, non en tant que spectateurs d’une contestation sociale mais en tant qu’acteurs de notre propre vie. La place de la République à Paris, une agora où femmes et hommes, jeunes et vieux, actifs, chômeurs, retraités, émigrés et sans-papiers s’appliquent à questionner la politique, s’emploient à instaurer la possibilité de la démocratie directe par le jeu des assemblées souveraines, dénient à l’élite le droit de décider pour la masse innombrable. Un lieu vivant de la multiplicité, de celles et ceux qui s’emploient au renversement de cette « société spectaculaire marchande » par la lutte et l’intelligence de la stratégie révolutionnaire.

Les gens se parlent dans la rue à Paris mais aussi dans de nombreuses autres villes de France, le vent se lève en Allemagne, en Espagne et c’est l’Europe internationaliste, celle des peuples et non celle d’un traité d’obligations économiques, qui surgit tel « un spectre », convenons-en qui « hante l’Europe ». Les assemblées du peuple se constituent, soucieuses de garantir l’expression libre de tout un chacun, pleine d’une volonté de redonner à la politique le seul sens qui vaille, celui de l’organisation du commun par l’assemblée souveraine. Place de la Commune, de l’insurrection permanente, place des réelles divisions historiques et de la transformation sociale, voilà quelques intitulés qui font sens, qui s’inscrivent dans l’histoire de la dynamique émancipatrice ; seul le peuple décide et se détermine sur les bases d’une lutte contre toutes les aliénations, toutes les dominations. La parole est insurgée, rien ne sera plus comme avant.

Sans doute est-il trop tôt pour parler de la révolution possible, mais au moins avons-nous présentement par l’expérimentation de la politique loin de l’État et celle des partis institutionnels, qu’ils soient de gauche ou d’extrême gauche, les prémisses d’une stratégie de réappropriation du sens commun et de sa nécessité historique. Ce monde n’est pas à réformer, il doit être transformé sur les bases d’un projet internationaliste conduisant à la destruction de toutes les dominations où la classe en tant que catégorie politique et sociologique doit disparaître au nom, en terme et en pratique, d’une politique dont le principe repose sur l’égalité de toutes et tous. La libre association des individus est la condition du libre développement des subjectivités au sein du multiple qu’est la communauté humaine, il n’y a pas de place pour la concurrence ni pour la compétitivité en dehors de la seule division acceptable, celle de l’histoire des peuples unis par la richesse de leurs différences. Cela commence par l’expérience de la politique au coin de la rue.

Toutefois, ne nous leurrons pas, les tentatives de récupération sont à l’épreuve d’une dynamique qui est en train de s’enclencher. Les partis de gauche et leurs satellites, une extrême gauche vermoulue, soucieux de faire perdurer l’affligeant spectacle de l’électoralisme parlementariste, n’ont d’autres solutions que nommer ce qui se passe aujourd’hui dans les rues et sur les places des villes comme la reproduction du mouvement des « Indignés », voire de « Occupy Wall Street ». Rien ne permet de dire ou d’établir aujourd’hui une telle comparaison, le souci d’identification de la dynamique actuelle par les médias et autres consensuels larbins de l’État à ces mouvements, n’a pas d’autre but que circonscrire l’événement historiquement en cours, de l’intégrer à un modèle déjà connu et sur lequel l’État et sa cohorte de partis politiques institutionnalisés sont susceptibles d’agir ; agir et marginaliser. Il n’y a pas d’indignation plaintive dans les rassemblements que nous vivons aujourd’hui mais la recherche et le désir d’une stratégie de transformation radicale des conditions de vie.

Lorsque le projet échappe aux représentants serviles de la realpolitik, lorsque la pratique qui s’élabore tend à se libérer des principes institutionnels et se donne pour tâche de penser l’émancipation en terme de stratégie et d’orientation, l’État et sa cohorte de subalternes n’a d’autres possibilités que s’adonner à une traduction modélisée du mouvement. Ainsi voit-on les représentants de quelques partis politiques invectiver et discuter la légitimité de telles ou tels intervenants ne se pliant pas à la discipline de la politique ordonnée par l’institution. C’est un fait majeur et récurrent qu’il convient de balayer au nom justement de l’expérimentation de la politique loin de l’État.

La véritable question est celle du projet, si l’organisation n’est pas structurée sur le modèle connu du parti ou de l’organisation politique, elle ne peut être comparée, comme nous l’avons précédemment dit, à un mouvement du type « Indignés, etc. », elle rend visible un désir de stratégie s’élaborant dans le cours de la lutte, elle est porteuse d’un projet qui se cherche dans le bouillonnement des assemblées, elle est en recherche de rupture avec ce monde. Le projet s’élabore indéniablement autour d’un refus, il se construit non pas dans l’indignation mais dans la lutte quotidienne, par l’occupation des lieux dans les villes, par une réappropriation de la rue, par le lien politique qui alimente les discussions.

C’est donc bien d’un projet et d’une stratégie dont il s’agit, le projet, celui de la possibilité du commun, de sa reconnaissance universelle par l’internationalisme dont les prémisses existent déjà au niveau de l’Europe ; la stratégie, par la dynamique des assemblées et des convergences, par la construction d’une radicalité qui en substance doit se traduire par la grève générale et la création des conseils du peuple.

Au fond, qu’avons-nous à faire d’autre que travailler à la construction du communisme au XXIe siècle ?

17 avril 2016

Germain

17:45 | Tags : aliénation, commission, étudiants-travailleurs, grève générale, nuits debout, place de la république, plateforme 2016, politique d'émancipation, rassemblement | Lien permanent | Commentaires (0)